Je connais une loi physique que l'on pourrait formuler de la façon suivante : on ne peut pas broyer du noir indéfiniment. Tout comme les lois de la pesanteur ou le principe d'Archimède, cette loi est infaillible (et elle est de moi). Alors forcément, vous finissez par remonter la pente, tôt ou tard.
Un jour, alors que vous tournez en rond depuis des mois à la BNF, attendant le fameux "déclic-qui-débloque-tout" comme on attend le messie, vous tombez sur une vague connaissance que vous envisagez au départ de fuir, comme tous vos condisciples, parce que vous avez tout simplement honte d'être aussi nulle, avec qui vous engagez la conversation. Et vous découvrez que vous n'êtes plus toute seule, mais qu'il y a au moins 2 thésardes désespérées sur cette terre. Vous aurez beau avoir entendu beaucoup de paroles censées vous réconforter, seule une congénère (en difficulté, comme vous) saura trouver les mots justes (ceux qui provoquent le fameux déclic ), et entendre (sans s'offusquer) les choses les plus inavouables sur la condition de thésard.
Si, en plus, vous partagez avec elle une même gourmandise obsessionnelle, une même passion pour le Kaiserschmarrn et les pâtisseries autrichiennes, un même intérêt pour la langue allemande (surtout quand elle est, à l'oral, teintée d'un accent autrichien), une même préférence pour les mots Marille ou Paradeiser (versions autrichiennes respectives de Aprikose et Tomate), si vous trouvez qu'il n'y a rien d'anormal au fait d'apprendre le hongrois, le basque ou l'inuktitut juste pour le plaisir, il y a de fortes chances pour que vous vous entendiez bien. Et comme elle vous présente une copine qui est aussi dans la même situation, vous vous retrouvez à trois, tous les jours, au rez-de-jardin, pour vous serrer les coudes, vous remonter le moral à tour de rôle, partager vos soucis et vos paniers repas (merci K. de m'avoir sauvée de la famine, ce jour où j'avais apporté si peu à déjeuner).
Parallèlement à tout cela, une chanson se glisse insidieusement dans votre tête, sans vous demander votre avis. Vous vous retrouvez alors à fredonner mentalement ceci, une semaine durant :
Even when the darkest clouds are in the sky
You mustn't sigh and you mustn't cry
Spread a little happiness as you go by
Please try
What's the use of worrying and feeling blue
When days are long keep on smiling through
Spread a little happiness till dreams come true...
Enfin, vous repensez à cette scène de Waitress, qui vous a tant émue, et qui est sans doute le plus beau moment du film. Un moment de répit. Une parenthèse de bonheur, hors du monde et hors du temps.
Pour exprimer cette légèreté retrouvée, un gâteau tout doux, tout moelleux... et sans beurre (c'est la moindre des choses après une telle avalanche de kouign amanns).
Carrés moelleux au citron (recette très légèrement modifée du gâteau léger au citron de Ôdélices, et aperçue ici)
4 oeufs
110-120 g de sucre
10 cl de crème de soja (type Biosoy)
120 g de farine
1 sachet de levure chimique
2 citrons jaunes non traités
Préchauffer le four à 180 °C.
Séparer les blancs des jaunes d'oeufs.
Dans un saladier, fouetter les jaunes d'oeufs avec le sucre jusqu'à ce que le mélange blanchisse.
Ajouter la crème de soja, la farine et la levure, mélanger.
Ajouter le zeste d'un et le jus des deux citrons (le zeste est facultatif).
Monter les blancs en neige avec une pincée de sel et les incorporer délicatement au mélange précédent.
Verser la pâte dans un moule carré ou rectangulaire (environ 20 x 20 cm), beurré et fariné.
Enfourner pendant 20 minutes à 180 °C.
Laisser refroidir avant de saupoudrer de sucre glace et de découper en carrés.
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Merci à tous ceux qui, par des mots, regards, ou gestes de réconfort, m'ont aidée à remonter la pente.
(Aux culino-bloggeurs : je me fais de plus en plus rare sur vos blogs, j'espère que vous ne m'en tiendrez pas rigueur... c'est pour la bonne cause.)